
Être fromager, c'est naviguer entre artisanat et technologie

Être fromager, c'est naviguer entre artisanat et technologie
Au travail dès potron-minet
Thomas Bader arrive sur son lieu de travail à une heure où beaucoup sont encore dans les bras de Morphée. À la fromagerie de Develier, qui appartient au groupe Miba Société coopérative et s'est spécialisée dans le Gruyère, on considère que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. À 5h30, avant même que le lait fraîchement trait à l'aube ne soit livré, Thomas et ses collègues sont à pied d'œuvre: ils doivent démouler les meules de la veille et les préparer pour la suite de l'affinage.
Le travail est physiquement éprouvant. La halle de production est bruyante. L'air y est chaud et humide; l'odeur de lait, intense. Mais pas de quoi freiner les ardeurs de Thomas. "J'aime le travail physique, et on finit par s'habituer à l'odeur", confie-t-il.

Thomas Bader a pour tâche de contrôler le caillé.
Thomas est technologue du lait avec brevet fédéral. "En vérité, cela veut dire fromager", s'amuse le jeune homme de 23 ans. Nous l'avions déjà rencontré il y a quelques années alors qu'il effectuait son apprentissage de trois ans à Mümliswil, dans le canton de Soleure, et nous voulions savoir ce qu'il était devenu.

Pourquoi devenir fromager? 10 questions à un jeune en formation
Son ambition: diriger et innover
"Une fois mon apprentissage achevé, j'ai suivi une formation continue spécialisée", explique Thomas. Cette formation, sanctionnée d'un brevet fédéral, lui a permis d'acquérir des connaissances techniques pointues. Prochaine étape? Un cursus plus avancé, probablement à l'automne, afin d'approfondir ses compétences en matière de gestion d'entreprise. "Après cela, j'aurai atteint mon objectif: devenir maître fromager", déclare Thomas. Le diplôme de maîtrise délivré atteste que les étudiant·es possèdent les outils nécessaires pour devenir chef·fes d'entreprise et diriger une fromagerie, par exemple.
"Ce diplôme de maître fromager ouvre de nombreuses portes. À terme, j'aimerais occuper un poste de direction, diriger une équipe et avoir mon mot à dire sur les produits", révèle Thomas. Il trouve tout aussi passionnant de perfectionner un produit existant que d'en développer un nouveau: "Dans les deux cas, il faut être très méticuleux."

Les meules de fromage fraîchement produites portent la date du jour.
Des processus biologiques fascinants
Curieusement, c'est grâce à la lutte suisse que Thomas, alors adolescent, a trouvé sa vocation. "Je cherchais un métier à l'image de la lutte suisse, à la fois manuel et ancré dans la tradition." Le déclic? Un stage d'orientation qui a éveillé sa passion dévorante pour la fabrication du fromage. "Je m'intéresse particulièrement aux processus biologiques à l'œuvre, indique Thomas. Il suffit d'ajouter les bons micro-organismes et de patienter un peu pour transformer le lait en un fromage délicieux. C'est fascinant!"
En toute logique, c'est donc le Gruyère le plus affiné (24 mois) qu'il préfère: "Il déploie alors tous ses arômes. Plus il est fort, mieux c'est", sourit Thomas.
Entre tradition et technique
Dans la fromagerie, l'artisanat traditionnel côtoie les techniques de pointe. Thomas tient à sa cuve ouverte en cuivre, instrument ancestral pour fabriquer du Gruyère. "Il est vrai que dans certaines fromageries, tout est automatisé, concède le jeune professionnel. Mais je suis convaincu que la fabrication artisanale reste la condition sine qua non pour un bon fromage. Avec un produit naturel, on ne peut pas tout digitaliser, estime-t-il. Le lait n'est jamais le même d'un jour sur l'autre; il varie en fonction de la saison ou encore de l'alimentation ou de l'état de la vache. Pour obtenir une qualité constante, il faut de l'instinct ainsi que des professionnel·les chevronnés."
Cela dit, il reconnaît que certaines avancées sont les bienvenues. Le brassage et le pressage sont contrôlés par ordinateur tandis que, dans la cave à fromages, un robot soulève des centaines de meules de 35 kilos sur les étagères et les frotte avec de l'eau salée. "C'est notre collaborateur le plus important! plaisante Thomas. Lorsqu'il n'est pas là, on sait qu'il va falloir mouiller la chemise."


Fromager en télétravail
En plus de son activité à la production, Thomas consacre environ un tiers de son temps de travail à des tâches administratives, qu'il peut réaliser en fin de matinée depuis chez lui: passer des commandes, évaluer les résultats d'analyses du laboratoire, etc. "Le secteur de la fromagerie est en pleine mutation, affirme Thomas. Je suis reconnaissant que mon employeur offre des conditions modernes et flexibles."
L'après-midi, il s'accorde une sieste avant de regagner la fromagerie entre 17 et 19 heures pour la deuxième livraison de lait. "Mes horaires de travail ne sont pas évidents, ni pour moi ni pour mes proches. Il faut faire preuve d'une certaine souplesse", constate Thomas. Cela n'entame en rien sa passion pour son métier.

Le résultat de ce travail acharné est impressionnant.