Au millimètre près 

C'est au Strickhof, à Lindau (Zurich), que nous nous trouvons. Dans une stabulation libre baignée de lumière, quelques vaches déambulent nonchalamment tandis que d'autres sont confortablement installées dans les logettes. Anita Müller est la cheffe d'orchestre de cette exploitation pédagogique et expérimentale du canton, axée sur l'agriculture, l'alimentation et l'élevage. En tant que conseillère en construction d'étables et en élevage allaitant, l'agronome de 29 ans connaît sur le bout des doigts les directives suisses en matière de protection des animaux. 

"Les animaux m'ont toujours fascinée", raconte Anita en scrutant les boxes. La jeune femme, qui a elle-même grandi dans une ferme, aide aujourd'hui les agriculteurs et agricultrices à aménager leurs étables de manière à garantir le bien-être des animaux. Elle désigne une logette: "Les dimensions prescrites doivent être respectées au millimètre près. On ne tolère aucun écart, aussi petit soit-il." Par exemple, si l'on remplace une structure rouillée par un modèle plus épais de quelques millimètres, il se peut que les mesures ne soient plus correctes. "C'est dans ce genre de situation que l'on me demande conseil", explique-t-elle. 

Le bien-être, au-delà des millimètres 

La protection des animaux repose sur deux piliers, qui, s'ils partagent un objectif commun, diffèrent sensiblement dans leur approche. D'une part, les exigences en matière de construction, qui définissent toutes les dimensions à respecter dans l'étable: aires d'alimentation, couloirs de circulation, logettes… "C'est mon domaine de prédilection", affirme Anita. D'autre part, l'aspect qualitatif, qui se concentre davantage sur le bien-être effectif des animaux. Les animaux sont-ils propres et en bonne santé? Disposent-ils de suffisamment d'air, d'eau et de lumière? "Pour en juger, nul besoin de mètre-ruban, il faut surtout un œil exercé." 

Véritable modèle, l'étable du Strickhof veille scrupuleusement au bien-être des animaux. Elle dispose par exemple d'un robot d'évacuation du fumier qui bourdonne dans les couloirs: pour les nettoyer, il pousse le fumier à travers le sol en caillebotis, dans la fosse à lisier. Quant aux logettes, elles sont recouvertes d'une épaisse litière. Et ça marche: le pelage des animaux est luisant de propreté. "Les vaches propres et bien soignées sont en meilleure santé, tout le monde y gagne", déclare Anita entre deux meuglements sonores. En prenant bien soin de ses animaux, on réduit les frais vétérinaires et on augmente la production laitière. Sans parler du plaisir que l'on a à travailler!" La grande majorité des agriculteurs et agricultrices partagent cet avis. Anita le sait d'expérience: les manquements sont l'exception, et non la règle. "Les mauvais élèves se font rares", assure-t-elle. 

La protection des animaux sur le banc d'essai 

Les offices vétérinaires cantonaux vérifient tous les quatre ans que les exigences légales minimales en matière de protection des animaux sont respectées dans les exploitations de taille significative. "Ils peuvent passer plus souvent en cas de manquement constaté et de changement dans l'exploitation, précise Anita. Les transformations s'avèrent souvent délicates; il est plus facile de construire un nouveau bâtiment aux normes que de transformer un ancien bâtiment de telle sorte qu'il soit conforme au bien-être des animaux", estime-t-elle. 

Si un contrôle révèle des mesures insuffisantes, l'agriculteur·trice a plusieurs options selon la situation: réduire le nombre d'animaux, passer à une race bovine plus petite ou améliorer la construction. De tels cas atterrissent régulièrement sur le bureau d'Anita. 

Montrer l'exemple 

Si les exigences structurelles en matière de protection des animaux obéissent à la logique des chiffres, la dimension qualitative nécessite quant à elle un regard plus nuancé. "Il y a plus de place pour l'interprétation", explique Anita, avant de se faire bousculer doucement par-derrière par une vache brune. "Alors, Grazia, tu as besoin d'un peu d'attention?" demande la jeune experte en caressant affectueusement l'animal. "Les vaches sont des animaux d'extérieur. Une étable ne pourra donc jamais satisfaire pleinement leurs besoins, mais nous pouvons essayer de nous en rapprocher le plus possible". 

La protection des animaux, défendue par la loi, guide chacune des décisions d'Anita sur sa propre exploitation en Argovie, qu'elle dirige avec son mari depuis 2023. Ils ont transformé eux-mêmes l'étable. "Au moment du premier contrôle, j'avais la boule au ventre, se souvient-elle. Je voulais que tout soit parfait." C'est pourquoi elle n'a rien laissé au hasard, et cela a fini par payer: les contrôleurs·euses n'ont rien trouvé à redire. "Si cela n'avait pas été le cas, j'aurais sans doute envisagé une reconversion", plaisante-t-elle.